30 novembre 2006

Fais dodo...!


Souvent nous manquons cruellement de temps pour préparer un Gong Fu Cha de manière calme, détendue et sans se soucier des heures qui passent. Aussi, pourrait-on alors croire qu'il est fort dommage de s'attaquer à un grand cru si l'on ne dispose pas de quelques minutes pour l'apprécier. Eh bien non, détrompez-vous, en réalité il est possible de prolonger un Gong Fu Cha sur plus de 24 heures... Je m'explique.

Prenons l'exemple d'un Gong Fu Cha débuté vers 17h00. Au bout de la 3e infusion, le téléphone sonne, il faut quitter les lieux car la tante Germaine s'est cassé la jambe... Quelle malheur, pas pour la tante Germaine, mais pour ma galette n°11 de 1985 que j'ai à peine dégustée... Quel gaspillage, je suis furieux ! Je décide finalement de poursuivre ce Gong Fu Cha interrompu le lendemain soir.

Laisser reposer un Pu Er entamé toute une nuit et poursuivre l'infusion le lendemain est parfaitement possible à condition de réunir quelques précautions élémentaires.

Pour commencer, cette technique fonctionne uniquement avec les Pu Er. Impossible de maintenir en "vie" les feuilles d'un Wulong au-delà de quelques heures.

Comment faire ? C'est très simple, il suffit de laisser les feuilles dans la théière que l'on est entrain d'utiliser. Prendre soin de vider entièrement toute trace liquide à l'intérieur de celle-ci. C'est très très important. Il ne faut surtout pas que les feuilles humides restent en contact avec l'eau, même dans un mince filet. Poser le couvercle sur la théière et la mettre quelque part à l'abri des odeurs de la pièce. Puis oubliez-là. Le lendemain, vous poursuivrez votre dégustation là où vous vous étiez arrêtés. Je vous assure, on n'y voit que du feu !

Les feuilles de Pu Er ont la particularité de pouvoir se réveiller de nombreuses heures après. Même si elles ont commencé à sécher au cours de cette période, rien n'entravera la poursuite d'un Gong Fu Cha interrompu la veille !! Et ceci est vrai avec n'importe quelle sorte de Pu Er (cuits ou crus).

Ce truc très pratique est idéal pour ceux qui hésitent à se lancer dans un Gong Fu Cha par manque de temps. Mais il peut aussi être parfois très enrichissant de faire un "break" d'une douzaine d'heures entre deux dégustations car celles-ci sembleront souvent complètement différentes l'une de l'autre; forcément son humeur change chaque jour, donc fatalement sa perception du goût également !!!

Il n'est cependant pas conseillé de garder sa théière remplie de feuilles entamées au-delà de 24 heures car celles-ci commenceront alors à moisir...

24 novembre 2006

Déesse de la Miséricorde


C'est sous ce nom un peu étrange que se cache le célèbre Tie Guan Yin. Originaire de Chine, du Fujian plus précisément, ce formidable Wulong est apprécié des amateurs pour ces parfums extraordinaires.

Réputé pour la qualité des feuilles, le Tie Guan Yin de printemps est en général très parfumé et très fleuri. C'est un de mes Wulongs préférés, surtout les Anxi Tie Guan Yin.

Mais pour changer, j'ai voulu tester un Tie Guan Yin très fermenté, moins fréquent. Plus exactement, c'est Stéphane de Tea Masters qui m'a conseillé de prendre le sien. Je ne le remercierai jamais assez car la surprise est de taille !

D'une part le prix est plus que correct, mais en plus, il est livré dans une très belle boîte traditionnelle.

Je l'ai préparé dans ma théière en Zisha (10 cl environ) provenant aussi de Tea Masters. Cette jolie théière fonctionne à merveille avec les Wulongs très fermentés. Comme le souligne Stéphane, la glaise est d'une souplesse moyenne, convenant donc parfaitement à ce type de thés.

Mais quel régal ! Préparé en Gong Fu Cha et dosé à 5 g, ce Tie Guan est un véritable feu d'artifice de notes chaudes et parfumées.

On est donc bien loin de la fraîcheur des Tie Guan Yin peu fermentés, assez verts. Dès la première infusion, le côté sucré et caramélisé hypnotise littéralement celui qui en boit. Une chaleur intense envahit le corps, magnifique sensation ! Suivant son imagination, on se croit en présence d'une crème brûlée ou d'une cassonade. Quelques notes de fruits confits et même de fraises bien mûres viennent agrémenter l'ensemble. Vers la fin (autour de la 8e infusion d'après mes souvenirs), il m'a même semblé sentir un soupçon de poire; le temps d'un clin d'oeil !

Il y a une concentration d'arômes dans ce thé qui est tout à fait remarquable.

Je pense que ce Wulong s'appréciera davantage en hiver qu'en été. Après une journée de marche dans la neige, l'effet doit être spectaculaire : cette Déesse de la Miséricorde vous réconfortera immédiatement...

La palette arômatique s'articule plutôt autour de registres évoquant la chaleur et la puissance. Cela-dit le côté fleuri caractéristique des Tie Guan Yin n'est pas complètement absent pour autant mais il se situe plutôt sur un second plan, plus difficile à distinguer. Un palais exercé pourra alors y sentir des effluves d'orchidées.

Quant à la torréfaction, celle-ci me semble parfaitement maîtrisée dans la mesure où il n'y a aucune présence d'odeur de fumée ou de brûlé. L'équilibre est parfait, la longueur en bouche incroyable et la tenue des infusions prodigieuse. Brefs que des compliments !

Déesse de la Miséricorde ? Oui effectivement, il serait impardonnable de passer à côté de cette merveille !

21 novembre 2006

Esprit, es-tu là ?


Non ce n'est pas un fantôme qui sort du pot de réserve mais bel et bien la fumée d'une infusion encore trop chaude !

Il est très important, selon moi, de toujours laisser refroidir un peu son thé avant de le boire. Une liqueur trop chaude va neutraliser les papilles gustatives en les neutralisant complètement. Il y a fort à parier alors que l'on passe complètement à côté d'un bon moment.

De plus, une infusion gagne en subtilité et en richesse aromatique en se refroidissant un peu. Les parfums se déploient et s'intensifient de plus en plus au fur et mesure que la température baisse. En fait, il s'agit de jongler un peu et de trouver le moment idéal où les parfums s'exalteront le mieux dans la tasse puis dans la bouche.

Evidemment, il n'est pas conseillé non plus de boire son thé trop froid ! Quoique il m'est arrivé à plusieurs reprises d'oublier mon infusion que j'ai dû boire froide et une fois le côté rebutant passé, de jolies notes presque sensuelles se sont manifestées sans que je m'y attendais !

Eh oui, curieusement, il peut apparaître sur certaines infusions froides (wulongs surtout) des notes relativement sombres mais très persistantes. Je pense qu'il s'agit encore d'une dimension supplémentaire pour apprécier toute l'évolution aromatique d'un thé (un peu comme une eau de toilette évoluant au bout de quelques heures).

Néanmoins, l'idéal pour apprécier un thé (et quelque soit le type) est de le boire autour de 60-70°.

13 novembre 2006

Monument historique


En dégustation aujourd'hui, un monument de la M3T : la galette n°12 de 1983. Un emballage papier d'époque superbement bien plié, des feuilles de thé assez fines, très belles et un joli Nei Fei (étiquette) parfaitement conservé.

Avec un peu d'imagination, en dégustant cette galette et en fermant les yeux, vous aurez l'impression d'être à Chambord ou dans n'importe quel autre château du Val de Loire ! Ce Pu Er royal évoque immédiatement la cire d'abeille que l'on utilise en général pour entretenir les meubles anciens. Imaginez-vous entrain de vous promener dans un somptueux château renaissance orné de boiseries anciennes et meubles d'époque. Essayez de vous souvenir de cette belle odeur caractéristique embaumant ces vieilles bâtisses; c'est exactement la même que vous retrouverez dans votre bouche !


Dosé fortement à 4 g dans ma théière taïwanaise de 6 cl, l'évolution de cette galette est assez longue. Les premières infusions sont douces, sans aucune amertume. Les notes de bois ciré sont présentes dès le départ. C'est chaud, c'est rond, c'est plein.

Ce Pu Er tout en finesse s'exprime admirablement bien tout au long des nombreux passages. Ces fameuses notes de cire ne sont pourtant pas les seules à s'affirmer. A partir de la 4e infusion, de nouveaux parfums se libérent de façon très subtile. En effet, des rappels de pêches de vigne gorgées de soleil et de camphre doux s'entrecroisent à n'en plus finir. C'est véritablement remarquable !!

Aucune odeur de vieille cave humide ou de terre mouillée un peu moisie, non au contraire, on se situe plutôt sur un registre chaud et sec. Pas très long en bouche, ce Pu Er nécessite pour sa réussite une excellente théière et une eau absolument parfaite. Il est donc préférable d'utiliser soit une eau en bouteille de très haute qualité, soit de remplacer prématurément votre cartouche Brita par une neuve au cas où vous filtreriez l'eau.

Une galette avec une classe presque aristocratique ! Sûrement un de mes plus beaux achats, toutes catégories confondues.

9 novembre 2006

Théière expressionniste


Je commence à recevoir les premiers comptes-rendus de dégustation du Pu Er en vrac n°15 de 1992 (M3T). Merci beaucoup !

Si ça vous convient, je propose de fixer la fin de cette dégustation collective au 30 novembre prochain. Ca laisse suffisamment de temps à ceux qui désirent y participer de se procurer un peu de ce sympathique Pu Er.

Pour les plus courageux d'entre-vous, je propose de tester deux types de préparations différentes : une infusion en zhong et un Gong Fu Cha en théière. Une dizaine de grammes devraient suffire pour aller au bout des deux. Avis aux généreux donateurs de quelques grammes à ceux qui n'ont pas la possibilité de s'en procurer !!

Envoyez-moi vos impressions (et vos photos de dégustation) à cette adresse : galethe@free.fr

En attendant, vous pourrez admirer en photo la théière que j'utilise pour les carrés dont je parlais dans mon article précédent. Il s'agit d'une Yixing en terre épuisée de 10 cl très élégante et relativement ancienne. Les parois sont assez fines et l'intérieur est très culotté. Cette théière a le mérite d'arrondir les angles des Pu Er verts un peu trop agressifs. La liqueur est douce, onctueuse, pleine et très riche en parfums...

7 novembre 2006

Carré d'as


Un petit carré n°2 de 1979 (M3T) pour commencer une bonne journée !
Ce Pu Er vert est particulièrement puissant. Il est préférable de le doser assez faiblement; soit 3 à 3,5 g pour 10 cl.

J'ai plusieurs carrés de ce type, je les prépare tous dans une Yixing en terre épuisée bien spécifique, relativement vieille aux parois assez fines et extrêmement culottées. Le fond est complètement noir ! Après une première carrière consacrée aux Dan Cong, je l'utilise désormais avec ces Pu Er verts très puissants. En faisant différents tests, j'ai remarqué que cette jolie théière adoucit considérablement l'amertume et l'attaque parfois un peu trop franche de ces carrés vigoureux.

Le carré n°2 de 1979 est un Pu Er très fortement compressé. Constitué essentiellement de petites feuilles, il est assez délicat d'en extraire des petits bouts. Attention à vos petits doigts !!

Préparé en Gong Fu Cha, le résultat s'avère impressionnant !
Les premières infusions sont extrêmement vigoureuses et d'une puissance rarement atteinte. Une légère astringence peut néanmoins gêner mais pouvant être facilement contrôlée en écourtant les premières infusions.

Quelle fraîcheur et quelle chaleur réunie dans un même élan de spontanéité ! En effet, une impression très fraîche en bouche précède une chaleur corporelle déroutante qui vous envahit soudainement; on se met à transpirer...

Comme le soulignait Jeancarmet sur son blog (http://puerhyixing.blogspot.com/), aucune odeur d'étable ou de cave humide ne vient parasiter l'ensemble qui reste frais, sensuel et solaire. Chose assez rare pour ne pas le souligner.

Les notes prédominantes sont très camphrées. Un mélange d'épices chaudes évoquant certains pays lointains vous transportent rapidement ailleurs. Quelques légers rappels de réglisse ajoutent un petit plus à l'ambiance générale.

Mais ce Pu Er dévoile un secret de taille : des parfums d'encens déroutants et inhabituels pour un Pu Er. En sentant les feuilles sèches dans la théière encore chaude, on a l'impression de se recueillir dans une église où les odeurs d'encens pontifical embaument délicatement le lieu. J'adore ça !

L'évolution de ce carré au fil des infusions est remarquable. Non seulement la très belle longueur en bouche reste inchangée, mais sa tenue générale a même tendance à s'amplifier au fur et à mesure des différents passages. J'ai réussi à franchir allègrement le cap des 10 infusions et avec un enthousiasme inchangé.

Ce carré a assurément un côté "invitation au voyage" mais un voyage aux frontières du mysticisme...
Un Pu Er magnifique, abordable et que je conseille évidemment à tous, débutants ou confirmés !

Remarque : je déconseille fortement de préparer ce carré 79 dans un Zhong car la porcelaine rendra ce carré trop agressif, à moins de le sous-doser considérablement ce qui risque d'être préjudiciable.

3 novembre 2006

Blind Test


Une petite vue crépusculaire à partir de mon balcon, en attendant d'autres articles qui vont suivre !

Cette photo a été prise le jour où Alexandre (un autre passionné de thés de Strasbourg) est venu passer un après-midi chez moi à déguster plusieurs Pu Er fort différents.

On a fait "péter" le Gong Fu Cha dans tous les sens !!! Chacun de nous deux évoquait son ressenti, au fur et à mesure des infusions, avec des références gustatives souvent très différentes et parfois totalement insoupçonnées de l'autre. Il se souviendra probablement d'une certaine galette n°10 de 1987 (M3T) surtout sous un ciel si enchanteur !

Cet après-midi dégustation m'a donné une idée qui me semble assez passionnante à mettre en place :

Je pense qu'il serait très instructif et ludique d'instaurer un système de dégustations parallèles entre plusieurs amateurs éclairés. Exemple, la même référence de thé préparée par chaque participant avec une technique et un matériel forcément différents. Un thé facile d'accès et populaire comme le très beau vrac n°15 de 1992 (M3T) pourrait très bien faire l'affaire dans un premier temps. Chacun serait amené à exposer ses impressions gustatives sur ce blog en les confrontant avec celles des autres.

Cela permettrait d'une part de comparer les techniques de chacun d'entre nous mais surtout d'appréhender un même thé par des sensibilités très différentes. Chacun ayant sa propre mémoire olfactive, la palette aromatique à laquelle il est fait référence lors de dégustations, n'est pas forcément la même chez tout le monde. C'est dans ce sens-là que cette petite expérience pourrait être particulièrement enrichissante.

Qu'en pensez-vous ?